Pascal Lapointe – Une piste de solution (quatrième texte)


Résumons. De l’ensemble des textes parus jusqu’ici sur ce blogue se dégagent un grand axe et deux petits:

1) Les médias se sentent libérés de toute responsabilité civique. Autrement dit, défendre l’intérêt public, ce n’est plus leur tasse de thé. Leurs intérêts corporatifs, écrit Laurent Laplante, ont pris le dessus. Il en résulte, ajoute François Demers, que des questions fondamentales à l’avenir de notre société sont complètement occultées, sans doute parce que pas assez «vendeuses». On voit mal comment les journalistes pourraient infléchir cette tendance, d’autant plus qu’ils sont nombreux à en profiter - surtout les vedettes, et ce n’est pas un hasard si le culte de la vedette a pris autant d’importance. Si on veut que les médias prennent plus à coeur « l’intérêt public », il n’y a que deux voies: une lente conscientisation de la population (qui y travaille?) ou des réglementations. Réglementations qui, par exemple, propose Isabelle Gusse, obligeraient les médias à insuffler davantage d’infos d’intérêt public. Ou favoriseraient les médias indépendants. Ou même, limiteraient la concentration de la presse, ajoute Anne Pineau.
2) L’information est de plus en plus rapide. C’est le règne du clip, écrit Gilles Lesage, ce qui suppose moins d’enquêtes, moins de suivis et moins d’explications. Là aussi, on voit mal comment les journalistes pourraient infléchir la tendance, surtout les jeunes qui cherchent à se tailler une place. Nombreux sont ceux qui, de toutes façons, souscrivent à l’argument selon lequel c’est la logique capitaliste qui détermine le règne du clip, ce qui nous renvoie à l’axe numéro 1.
3) Il y a aussi le problème des lois d’accès à l’information, de plus en plus grugées par la lourdeur du processus et la culture d’impunité, souligne Anne Pineau. Une réglementation plus favorable aux médias s’impose. Mais un tel progrès, aussi souhaitable soit-il pour l’intérêt public, n’affecterait ni la logique capitaliste ni la culture du clip.
Les journalistes québécois ont souvent bloqué sur des propositions de réglementer leur métier, y craignant chaque fois la grosse patte griffue de l’ours gouvernemental.

Pour éviter cette impasse, n’y aurait-il pas d’autres voies juridiques sur lesquelles un consensus serait facile à obtenir? Et sur lesquelles le poids du nombre, avec un lobbying efficace, aurait un impact plus rapide? Eh bien justement, oui, il y en a une: l’amélioration des conditions de travail.

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Pascal Lapointe est journaliste depuis une vingtaine d'années. Il est toujours demeuré près du milieu de la pige, comme pigiste lui-même, comme rédacteur en chef de l'Agence Science-Presse, petit média à but non lucratif et porte d'entrée pour les débutants, où il a contribué à former de nombreux journalistes, et à titre de membre du conseil d'administration de l'AJIQ dans les années 1990 et 2000. Il est co-auteur du livre Les nouveaux journalistes: le guide. Entre précarité et indépendance (PUL, 2006).

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