Anne-Marie Voisard - Revenons aux bases du métier avec rigueur et... humilité!


Rigueur. Ça implique le respect des faits et qu'on ne néglige aucun effort pour transmettre une information juste et la plus complète possible. Plus facile à dire qu'à faire. Mais surtout humilité. Ce qui, en cette ère de vedettariat, risque fort d'étonner. Un journaliste humble! L'idée paraît farfelue, tellement elle est loin de la réalité. Pourtant, elle ne veut que nous ramener aux bases du métier. Les têtes enflées ne savent pas bien écouter, ni regarder. Or il le faut. L'exactitude du message en dépend. Notre crédibilité aussi.

Bien sûr, le colloque Médias et démocratie permet de dénoncer la convergence, la concentration des entreprises de presse, la soif de profit au détriment de l’intérêt public, etc. Mais il n'empêche pas de s'interroger sur nos pratiques. Et de voir à quel point nous facilitons la vie de ceux qu'on blâme. Des vedettes? C'est ce que cherchent les patrons. À la télévision, à la radio, dans les journaux. Chronique d'humeur! C'est également le rêve du journaliste le moindrement ambitieux. Et l'ambition n'est pas ce qui manque dans notre petit monde. Combien, secrètement (mais pas toujours…), se prennent-ils pour Pierre Foglia?

Tous ne deviennent pas «columnists». Mais ça ne prive pas les autres d'introduire leurs états d'âme ici et là dans leurs reportages. Le «je» jouit d'une popularité sans bornes. Les conseils pleuvent. C'est une nouvelle façon de faire la morale. Faites ce que «je» dis.

Pendant ce temps-là, on néglige de fouiller les dossiers. À quoi bon, puisque le boss nous incite à produire vite et court. Pas besoin de se fatiguer. L'important, c'est d'attirer l'attention, de cultiver l’art de se faire remarquer parmi les collègues. C'est le règne de l'information-spectacle. Du chacun pour soi.

La compétition est forte, même chez les permanents. Comme si ça ne suffisait pas d'avoir la sécurité d'emploi, plusieurs ajoutent un deuxième statut, celui de pigiste ou de collaborateur, qui permet d'arrondir les fins de mois et d'avoir son nom sous diverses rubriques. Ce qui était une exception est presque devenu la norme. C'est bon pour l'image. La carrière a des chances de s'en porter mieux.

Le militantisme dans tout ça? Le syndicat sert-il encore à défendre des valeurs, tel le droit du public d'être informé? Se limite-t-il aux seuls intérêts des membres? Il y a lieu, au moins, qu'on s'interroge.


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Anne-Marie Voisard, qui demeure active comme journaliste indépendante, a pris sa retraite du quotidien Le Soleil en 2006. Elle y avait été embauchée en 1961 pour travailler aux pages féminines. Après avoir quitté le journal quelques années pour compléter un bac en pédagogie, elle y revient et se retrouve, au moment de la création des cégeps, affectée à l'éducation. Comme journaliste, elle a touché à tout: littérature, éditorial, dossiers à caractère social... Au cours de ses six dernières années au Soleil, elle a supervisé les stages en journalisme. De sa carrière, on retient deux faits parmi d'autres: en 1980, elle reçoit le prix Judith-Jasmin pour une série d'articles, Alcool et Travail. Pour elle, c'est un baume, au terme d'une bataille qui l'a menée jusqu'en Cour suprême. La cause? Un texte jugé trop critique par le directeur de l'information d'alors, qui lui en avait substitué un de son cru.

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