Michel Nadeau – Les enjeux de la migration vers l’internet pour les médias et la démocratie


Comment les historiens du XXIème siècle décriront-ils l’impact d’internet dans l’univers des médias traditionnels? Sur tous les fronts, la communication numérique modifie le temps et le budget des lecteurs et auditeurs consacrés aux médias.

Le déclin de la presse écrite – seuls les hebdos locaux semblent échapper à la vague – se voit dans tous les créneaux: quotidiens, magazines… La télévision généraliste en arrache avec la prolifération des canaux spécialisés. La radio privée vit une phase incroyable de concentration autour d’Astral et de Corus.

L’accès croissant des citoyens à internet va amener une redéfinition du rapport entre les médias et la démocratie. Dans l’univers des médias du papier et des ondes, des chefs de
pupitre décident qui va parler… Pour avoir accès à l’agora, il faut attirer des journalistes à une conférence de presse ou prendre la plume pour essayer de faire passer son texte dans la page des «idées».

Internet redéfinit sans cesse le périmètre des publics. La télé et la radio émigrent en douceur vers l’ordinateur. L’univers virtuel permet des regroupements instantanés sans les limites qu’imposent la géographie, la distribution des exemplaires, le rayonnement des ondes…

Profitant jadis de la nuit pour passer de la rédaction à la porte de ses lecteurs, le quotidien version papier ne pourra plus suivre des sites offrant de l’information 24 heures sur 24.
L’information devient abondante, instantanée et souvent gratuite. Le rôle des professionnels de l’information, qui «traitaient» la nouvelle, devra être redéfini.

Rappelons que la démocratie n’est pas l’exercice du droit de vote mais l’accès au débat avant le vote. Les citoyens bâtissent eux-mêmes leurs médias et des réseaux à la hauteur de leurs intérêts; mais le web ne fournira jamais le jugement nécessaire pour évaluer et classifier cette mer d’information. Des experts seront nécessaires pour faire des liens entre des faits, pour apporter une solide crédibilité derrière certains propos.

Cette explosion de la communication a entraîné une baisse de la qualité des communications; les auteurs de blogs se doivent quotidiennement, souvent au détriment de la réalité et de la vérité, de trouver la formule percutante et les propos cassants pour susciter le débat. Mais le goût de l’information solide, fiable, intéressante et inédite ne disparaîtra pas; le défi des journalistes sera de poursuivre leur quête du fait nouveau et de l’analyse critique dans un environnement un peu plus complexe mais offrant des moyens beaucoup plus vastes.

À l’heure des nouveaux médias, le risque pour la démocratie est qu’elle ne demeure que virtuelle et que les citoyens ne cessent de s’informer sans trouver le temps de s’organiser par l’action pour changer ce qui doit bouger dans la société.


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Michel Nadeau est directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques depuis septembre 2005. Après avoir travaillé de 1974 à 1984 au Devoir en tant qu’éditorialiste et responsable des pages financières, il a occupé, pendant près de 20 ans, différentes fonctions à la haute direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. Nadeau est également membre de différents conseils d’administration de sociétés privées et d’organismes sans but lucratif.

1 commentaire:

FDemers a dit…

Je suppose que le marché va continuer à desservir les besoins des groupes de population qui ont des besoins d'information plus rationnelle et liée aux questions de gestion collective? Au titre de produit spécialisé?